Modèles au Théâtre du Rond Point

Elles sont quatre. Une trentaine d’années. Elles ont grandi dans les années 80 avec Heidi, Princesse Sarah, Goldorak, Olive & Tom, Albator ou Jane Goodall comme modèles et des siècles de stéréotypes à affronter sur les épaules.

Ce poids, elles l’ont réalisé dès l’adolescence: être une femme, dans les années 90 comme aujourd’hui, d’où que l’ont vienne et quelles que soient ses aspirations, fait encore violence.

Sur le scène du Théâtre du Rond Point, ce sont quatre femmes qui disent leur expérience singulière de la féminité. Elles ne sont pas là pour se plaindre, mais constater, non sans humour et auto dérision ni sensibilité ce que c’est qu’être une jeune femme aujourd’hui. Ce que c’est qu’avoir ses règles pour la première fois, perdre sa virginité, vivre en couple, mais aussi se faire violer ou avorter.

Dans une mise en scène insolente et drôle, pleine de spontanéité maîtrisée, elles livrent sans fausse pudeur, avec intelligence et véracité des faits intimes qui illustrent que malgré d’indéniables progrès, une femme n’est pas considérée comme l’égale d’un homme, qu’elle est vue comme inférieure, subalterne, bien meilleure pour les tâches ménagères que pour le travail salarié, qu’elle devrait être douce- voire soumise, mais qu’elle peut bien souffrir à en crever lorsqu’il s’agit de « trucs de bonnes femmes ».

Grâce à un dispositif de vidéos et vraies-fausses interview télévisées, leurs propos sont alternés avec ceux de penseurs (euses) de la condition féminine – Bourdieu, Duras, Woolf, Despentes (dont la fin de King Kong Theory semble avoir beaucoup inspiré celle de Modèles – on ne s’en plaindra pas). Les textes sont parfaitement bien choisis (c’est rare) et finement mis en scène.

Le spectacle est également rythmé par des saynètes individuelles chantées (mention spéciale à Laure Calamy, ébouriffante dans cet exercice) et par des passages seules en scène fort sagaces.

Sabrina Baldassarra, Laure Calamy, Sonia Floire, Gaëlle Hausermann, Marie Nicolle sont toutes absolument impeccables, toutes dans leur personnalité respective. Je ne sais si ce sont leurs histoires qu’elles racontent, mais elles vont au delà de l’interprétation. Elles sont dans l’incarnation et l’ont vibre avec elles. Sans doute est-ce parce nous (enfin, je, du moins) avons vécu tout ça et que, ne pouvant l’accepter, nous avons décider de faire bouger les lignes de la féminité par notre manière de la vivre. Que oui, comme le dit Marie Nicolle, on peut très bien être forte, courageuse, aimer le sexe et être une femme, complètement.

Avec Modèles, Pauline Bureau réussit le challenge de créer un spectacle manifeste qui est tout à la fois fort, attachant, drôle et émouvant. Il vaut tous les arguments du monde. Je suis ressortie de la salle galvanisée, renforcée dans mes convictions, plus femme et plus combattive que jamais.

A voir absolument que l’on soit homme ou femme.

 

 

 

Modèles au Théâtre du Rond Point

Mise en scène Pauline Bureau

écriture collective Sabrina Baldassarra, Pauline Bureau, Benoîte Bureau, Laure Calamy, Sonia Floire, Gaëlle Hausermann, Sophie Neveux, Marie Nicolle, Emmanuelle Roy, Alice Touvet

avec Sabrina Baldassarra, Laure Calamy , Sonia Floire, Gaëlle Hausermann, Marie Nicolle musicien et création son Vincent Hulot

durée 1h45

Jusqu’au 10 nov., 21:00
salle Jean Tardieu
dimanche, 15:30

 

 

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  1. Happiness In Uppsala » Les tops de l’année 2012. Spectacles

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