Un air d’apocalypse facétieux et burlesque règne en ce moment sur la scène du Théâtre de la Bastille! Les cinq acteurs du Raoul Collectif y font, dans un spectacle choral aussi sombre que ludique, le constat d’une société dysfonctionnelle où des individus se retrouvent largués jusqu’à en devenir des monstres.
Mais, rions quand même un peu pendant que nous sommes en vie! Plutôt que de nous asséner des vérités toutes faites sur un monde à la dérive, plutôt que de nous marteler des arguments battus et rebattus sur les vicissitudes des normes sociétales et en particulier sur le culte de la performance, le jeune collectif belge tisse par des bribes séparées qui finiront par se rassembler, un OVNI théâtral joyeux, débordant de vie et d’énergie – voire chaotique, et radicalement libre.
Le prétexte initial est figuré par la rencontre, somme toute fortuite, de cinq promeneurs, la nuit, en pleine forêt. Ils ont tous des choses sur la seule chose qui les lie: être en « rupture ». Alors, c’est comme si, ensemble en unissant leurs histoires, en faisant société autour de leur bivouac (clin d’oeil appuyé à Rousseau avec ses « hommes qui se sont réunis au milieu d’une clairière pour faire société ensemble« .)
S’ils s’unissent d’abord pour s’entraider à narrer (avec beaucoup de malice) leurs ruptures respectives et chercher, peut-être le signal d’un passage à l’acte, cette collision mènera à un récit commun formulé comme un jeu d’enfant malgré la gravité du sujet. Ils nous amènent, en effet, au tribunal qui a jugé Jean-Claude Romand, ce père de famille mythomane qui, pris au piège de ses mensonges, assassina tous ces proches… Un des plus grands exemples récents d’hommes en rupture, justement. Une énigme, dont on ne sait trop, au final, si les actes ont été le fruit d’une démence individuelle ou celui d’un environnement qui croit surtout ce qu’il a envie d’entendre…
C’est terrible mais on rit énormément car nos cinq lurons tournent le tragique en farce avec un sens de la second degré qui dépasse le cynique pour être simplement jubilatoire… C’est simple, on ne se pose même pas la question du malaise que l’on pourrait avoir à voir la dérision et le burlesque parasiter ce fait divers abominable.
Les histoires se déferont à nouveau mais un lien unira ses hommes quand bien même ils reprendront leur chemin.
« Le Signal du Promeneur » est une de ces pièces surprenantes et radicales qui font le bonheur du spectateur. Mêlant agilité du verbe, mouvement, danse, chant, musique, négociant sans cesse avec les cadres du théâtre, confrontant l’humour populaire et l’érudition, le joyeux bordel et la nécessité de penser et de lutter, cette création déborde d’intelligence et de dynamisme.
Spontanée, habile, créative et généreuse, cette création invite à une réflexion fondamentale sur de grands éclats de rire. A voir absolument… avant la fin du monde?
Le Signal du promeneur
A l’affiche du 26 novembre au 13 décembre 2012 au Théâtre de la Bastille
Pièce de David Murgia , Romain David , Jérôme de Falloise , Benoît Piret , Jean-Baptiste Szezot
Montée par David Murgia , Romain David , Jérôme de Falloise , Benoît Piret , Jean-Baptiste Szezot
Avec David Murgia , Romain David , Jérôme de Falloise , Benoît Piret , Jean-Baptiste Szezot