Au Mo’fo la programmation est faite de telle sorte que chaque soirée a sa propre ambiance, son propre lot de genres représentés, tout en restant très éclectique dans les choix pour laisser place à la découverte et la surprise. Ainsi, alors que la première soirée accueillait des groupes de pop folk, la seconde proposait des groupes plutôt portés sur le garage voire le krautrock. À HIU nous nous sommes rendus à la troisième soirée, celle du dimanche, avec au programme pop germanique, new-wave et autres curiosités. Pas très surprenant alors si pour cette série de concerts nous avons pu écouter quelques groupes aux influences bien ancrées dans les années 80, autant du côté de l’électro dance ringarde, que du rock cafardeux.
Muse de Geoff Barrow de Portishead (ce qui peut être gage de qualité) la jolie blonde Anika, en formation trio, murmure sur fond de dub et post punk une sorte de complainte apocalyptique sous Xanax. Globalement c’est appréciable, sombre, abstrait, engagé. Mais sa reprise lugubre de « The end of the world » n’arrivera pas à détrôner celle de Skeeter Davis, qui était magnifique de naïveté, Anika y a mis un peu trop de désespoir.
Dans la veine des artistes obscurs de la soirée, Liesa Van der AA embroche la scène. À la main, au doigt, à l’archet, elle construit chaque chanson autour d’un système de boucles, parfaitement maîtrisé. Qu’elle le chatouille ou le lacère, son violon fait crier ses cordes, pose les rythmes, et lâche le monde sur nos épaules. La scène assombrie, les éclairs de lumière qui balayent cette comtesse des pédales ajoutent à la portée dramatique de son exécution solitaire. C’est sobre et impressionnant.
À l’opposé, juste le temps de traverser le couloir, on se retrouve dans le cosmos d’Arne Vinzon qui divague sur de l’électro pop qui fait tout bonnement danser. La motivation et l’engouement des musiciens sur scène gorgent chaque chanson d’une énergie dopante, qui souligne que ces comptines ruisselant d’absurdité sont en fait le fruit d’éclairs de génie. Ne vous déplaise, ce drôle de séducteur a réussi à mettre plusieurs personnes en transe à coup de fervents discours : « lapin lapin lapin lapin lapin lapin lapin » qu’il disait. Finalement le trio invite Ricky Hollywood pour présenter leur collaboration sur le titre « L’amour peut-être». Duo foutraque aux imaginats adjacents, cette chanson est un pur régal.
L’annulation de Stereo Total (pour cause de chanteuse malade) sera la déception de la soirée. Mais TRUST, invités en remplacement, assurent la relève. Leur pop électronique chargée de synthés nous embarque pour une dernière danse dans des abîmes de new-wave pour finir la soirée langoureusement, presque de quoi nous consoler.
Loin d’être seulement en mal d’une époque désormais lointaine (ok, ça dépend de l’échelle) le public du Mo’fo aura pu apprécier des performances habiles et enivrantes qui ont bien démontré que certains genres musicaux sont intemporels.