« Séjour » de Pierre Vigne// mise en scène Camille Pawlotsky (Cie Voulez Vous?)

Une famille lambda. Une mère au foyer, un père médecin de nuit, un ado apathique, une fillette bonne élève, un chien qui a disparu…

Seulement, il y a des crevasses – comme chez tout le monde vous allez me dire, mais, sous la plume de Pierre Vigne, elles deviennent des failles à la fois étranges, fascinantes et drôles.

Rapidement, un humour malin (diabolique?) nous assaille. Des expressions, des attitudes que nous connaissons tous disent que quelque chose cloche.

Un père si absent qu’il parle à ses gamins presque comme à des inconnus, avec des phrases toutes faites et des questions attendues.

Des enfants qui butent sur un monde plein d’expressions d’adultes qui font peur.

Et puis une mère trop attentive, tellement flippée par sa solitude et son inactivité de ménagère que ça ne la dérange pas que ses enfants loupent l’école du moment qu’ils demeurent auprès d’elle. Une femme pleine de rancoeur qui n’aime plus son mari. C’est sur elle que la pièce se centre, elle qui ne dort plus comme pour être disponible pour tout le monde, tout le temps, pour assister, pour attendre. Plus qu’un portrait d’une famille qui se fissure, « Séjour » me semble être une pièce sur un amour maternel égoïste et destructeur.

Le tour de force de « Séjour » est de ne pas céder à la facilité. Non seulement Vigne maîtrise parfaitement bien l’art de l’ellipse – très intelligemment rendue par la mise en scène, mais en plus, il évite le cliché de la mater hystérique. Les petites phrases assassines au sein du couple, les cauchemars des enfants, un « Joyeux anniversaire » surjoué et, enfin, l’évident déphasage de la mère suffisent à montrer que la famille se délite.

Il sera suggéré que cette mère fait des choses bizarres quand elle est seule, mais l’auteur méphistophélique préfère laisser la réponse à cette question en suspend laissant le spectateur imaginer les choses les plus sordides. Tout comme il choisit de ne pas expliquer pourquoi le père se fait traiter de salaud ou pourquoi le fils jouit d’un statut si privilégié…

Voilà un pièce effroyablement réjouissante, affreusement drôle, bien écrite, bien jouée, fine et intelligente. Une réussite.

Les Lillois sont chanceux, le 21 décembre, ils passeront leurs ultimes moments avant la fin du monde avec la soirée « Voulez vous vivre la fin du monde » au Tri Postal où, entre autres, « Séjour » sera jouée la prochaine fois (http://www.voulezvousvoulezvous.com/)

 

 

Séjour

Texte de Pierre Vignes
Mise en scène par Camille Pawlotsky, assistée de Vanessa Kryceve
Avec Stéphanie Lanier, Laure Wolf, Alain Dumas et Mathieu Busson
Décor:  Marion Thelma-

Costumes: Louise Alice Veret

Musique:  Pygmy Johnson

Photo : Pierre Rigae

Graphisme:  Arnaud Jollet

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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