Den Sorte Skole est un duo de DJ danois qui ont la particularité de créer de la musique à partir d’une base de donnée gigantesque de samples qui viennent des quatre coins du globe. L’ensemble est vraiment étonnant d’unité et de liant, les morceaux semblant être joués par des vrais musiciens. On les a rencontrés aux dernières Transmusicales de Rennes, avant leur prestation remarquable du soir.
On ne peut pas penser que ce sont deux petits gars blancs du Danemark qui font cette musique.
J’ai écouté votre LP Lektion III. Comment décririez vous votre musique à quelqu’un que vous voyez pour la première fois ?
En gros, Je pense que je dirais qu’on essaye de sonner comme une grand orchestre avec des membres qui viennent de six continents différents, qui rassemblent dix styles musicaux différents. Un très grand orchestre qui jouerai live.
D’accord… je vois.
Et puis après, je dirais sans doute qu’on sample de la musique qui vient de partout dans le monde. Mais pour revenir à la musique, quand vous écoutez l’album et que vous ne nous connaissez pas, vous ne pouvez pas penser que ce sont deux petits gars blancs qui viennent de Danemark qui l’ont fait.
On aime rester concentrés sur la musique, ce n’est pas nous l’important, en live nous ne somme pas sur le devant de la scène. Seule la musique compte, des gens qui dansent, qui apprécient le son.
En général on dit que l’album est composé à partir de plus d’extraits de plus de 300 disques, de plus de 50 pays différents.
En live nous ne somme pas sur le devant de la scène, seule la musique compte
Effectivement, on peut penser à de la musique de collectionneur, vous prenez un petit morceau de tout ce que vous écoutez ?
Oui, tout à fait.
Vous êtes des Musicaholics non ?
(rires) Ouais voilà. Il y a très peu de musiques que nous ne trouvons pas digne d’intérêt. Il y a toujours quelque chose qui nous intéresse, quelque soit le style. On a écouté de tout depuis des enregistrements, genre quand la musique commençait à être diffusée à grande échelle. Bien sûr on a des choses qu’on préfère, mais c’est toujours enrichissant quand tu peux découvrir et collectionner toutes ces musiques d’un peu partout, vieilles ou actuelles, de toutes les cultures; particulièrement pour l’assimiler dans un ensemble cohérent.
Quand tu cherches des samples, il faut bien sûr écouter un peu de tout. Sinon après une semaine sans varier de genre, ça deviendrait assez vite plutôt ennuyeux, par exemple la musique indonésienne est très agréable à l’oreille après avoir écouté autre chose pendant des heures.
Oui ok, et du coup, je suis assez curieux de savoir comment vous travaillez. Vous samplez en fonction de vos besoins ? Ou bien vous avez une base de données ?
La plupart du temps on découpe la musique avec notre programme informatique et on a une sorte d’archive de tous nos sons. Ensuite on les classe par ton, par ambiance… Par exemple, pour un kickdrum, on a une archive de kickdrums, on en a aussi avec des trompettes, des synthés etc.
De la musique big data en gros.
Oui !
C’est un peu comme un LEGO(c), on construit les fondations, puis les murs et on finir par poser le toit.
Vous avez des bases de données et vous les utilisez pour construire votre musique.
Oui, en quelque sorte. On a un album qui devrait sortir vers le mois de mai. Pour les morceaux, en gros on prend un sample de base, qui pose les fondations, auquel s’ajoutent cinquante autres qui se mêlent à cette base, des voix, des sons. C’est un peu comme un LEGO(c), on construit les fondations, puis les murs et on finir par poser le toit.
Comment travaillez vous ensemble ? Vous faites des sessions de brainstorming, et vous construisez ensemble ? Ou bien vous faites des expérimentations, en jouant des samples ?
En gros par exemple Simon (Dokkedal, un des membres du duo) a une idée, après je prends la suite et je fais aussi quelque chose sur cette idée de base. Et ainsi de suite, un peu comme un pingpong, au travers de ces échanges se construisent les morceaux.
Martin (Højland, l’autre) travaille le matin sur quelque chose, je le rencontre l’après-midi et je prend la suite jusqu’au soir. Mais parfois, on travaille à deux en passant du temps ensemble.
En général, on va s’isoler dans un endroit reculé quand on a quelque chose d’important à finir; pour s’enfermer dans le projet et sa finition. Pour finir un projet c’est toujours mieux de travailler à deux et d’avoir la même énergie.
Je me demandais vraiment comment vous pouviez faire pour créer une musique aussi riche.
En fait, on se demande aussi comment les groupes avec cinq membres peuvent réussir à travailler ensemble ! (rires) Mais à deux ça va, on réussit à se mettre d’accord sans trop de compromis, mais le procédé est lent, il nous demande pas mal de temps et de patience. Si on besoin de voix, on ne peut pas demander à quelqu’un de venir, donc on doit trouver le son qui nous conviendrait.
Et aussi, si je fais quelque chose, parce que c’est moi qu’il l’ai fait, je le vois plus beau qu’il ne l’est réellement. C’est un bon filtre que nous soyons obligés d’être sur la même longueur d’onde.
Avez vous un background musical ?
Non pas du tout (Simon).
Oui un petit peu (Martin), je faisais du piano et de la batterie quand j’étais enfant, et puis j’ai pas fait de musique pendant longtemps. Après on a commencé à faire les djs, et il faut une bonne compréhension de la musique pour être un bon dj je pense.
Nous n’avons pas d’éducation musicale traditionnelle. On a fait des études de design ou de sciences politiques. Mais ça marche, on arrive à s’entendre et à créer ensemble.
Pour revenir à votre quête de son, vous devez adorer les marchés aux puces ou les brocantes pour trouver des disques ?
Oui un peu partout, on ne trouve pas de musique du proche orient au Danemark mais on peut trouver ça à Toulouse. Le mieux c’est d’acheter des disques pendant des voyages.
Je vois ! Et sinon, vous écoutez quoi en ce moment ?
Alors j’ai pas mal écouté le dernier Run The Jewels, le groupe de Killer Mike et de El P, bon et on écoute aussi pas mal de vieille musique étrange tout le temps ! Je recommencerai aussi le dernier album de Swans, ce n’est pas de la musique très accessible, mais j’aime beaucoup ce morceaux longs, où on peut s’oublier.
Je pense que comme on a écouté beaucoup de musique, on est très ouverts à beaucoup de styles; je peux m’asseoir et écouter des albums de Slayer pendant deux jours et ensuite passer à quelque chose de radicalement différent, de l’électro, du jazz ou de la pop khmère sur Soundcloud.