« Si les morts pouvaient parler… » Vous ne vous êtes jamais dit ça ? Moi, j’aimerais bien que les gens que j’ai perdus me disent qu’ils n’ont pas souffert, que là où ils sont ça va et qu’ils n’ont pas eu une trop mauvaise vie. Ça me rassurerait aussi qu’ils me disent « même pas mal » en se marrant. Le fait est que je crois que quand on est mort, y’a plus rien. Mais l’espace d’une pièce, ça ne fait pas de mal de revoir ses croyances, n’est-ce pas ?
Dans ce « Monde d’en bas » , adapté de la Mastication des morts de Patrick Kermann, les défunts ont la parole. Pas de zombies de films d’horreur, ni d’esprit malin. Juste des gens qui ont vécu une vie, plus ou moins longue, plus ou moins heureuse et qui sont morts, d’une manière plus ou moins banale.
Ils ont encore quelques choses à nous dire, des bribes de souvenirs, peut-être de regrets. Des choses drôles ou tragiques. Peut-être grappillent-t-ils encore un peu de temps avant de passer tout à fait l’arme à gauche…
Les cinq comédiens de la Compagnie Kâdra virevoltent littéralement d’un rôle à un autre, d’un personnage à un autre pour incarner ces voix que l’on n’entendra jamais à travers une succession de courtes saynètes qui n’ont rien de morbides. Certes, ce n’est pas léger, mais le rythme et le texte faisant, on est emporté dans une frénésie d’histoires qui de presque communes deviennent passionnantes. La mise en scène, fluide et inventive, joue évidemment un rôle considérable dans cette dynamique tout autant que le jeu des comédiens. Ces morts ont une certaine joie … de vivre, ou plutôt de raconter. Ils s’amusent peut-être autant, sinon plus, qu’ils ont été pleurés.
Si le propos intéresse, ce n’est pas parce que la pièce donne des réponses sur la mort – loin s’en faut, mais c’est au contraire parce que la seule chose dont les défunts peuvent parler, c’est de la vie ! Et avec la distance entre le monde des vivants et ce « monde d’en bas », il ne reste plus qu’à en rire !
Le texte est dense et fourni et l’on pourrait se lasser de cette multiplication d’histoires. Or, malgré quelques longueurs, c’est bien le contraire qui se produit grâce à des jeux de variations de cadence, des personnages qui même s’ils ne passent que quelques minutes sur scène sont tous bien étudiés et interprétés avec adresse ainsi que quelques bonnes trouvailles qui l’on vous laissera découvrir.
Au final, on s’émeut et l’on rit avec ce spectacle protéïforme et bouillonnant.
Le pari de parler de la mort avec tout ce que cela suppose comme peur, fantasme et tristesse était ardu. La compagnie Kâdra s’en tire avec talent.
« Le Monde d’en bas » à l’Akteon théâtre
A 21h30 les vendredis et samedis
Du 03 mai au 15 juin
Durée 1h30
Compagnie Kadra
Mise en scène et adaptation: Jean-Baptiste Forest
Avec Solange Albertini, Charlène Féres, Jean-Baptiste Forest, Vincent Morisse et Ari Sellem