Memories From the Missing Room au Théâtre de la Bastille

Réunir pour un même spectacle un groupe de folk renommé, trois comédiens, un dessinateur est un sacré challenge auquel le metteur en scène Marc Lainé se confronte avec Memories from The Missing Room actuellement à l’affiche du théâtre de la Bastille.

Et, il ne fait pas que jouer l’exercice de style mais produit un spectacle véritablement insolite et étonnant qui confronte avec intelligence des univers apparemment éloignés mais en réalité fort proches.
A ma droite, Moriarty, généreux combo folk dont on sait qu’il puise ses inspirations dans la musique traditionnelle irlandaise, le blues ou la country, réunit des foules lors des festivals et sort régulièrement des tubes qui passent à la radio – pardonnez mon ignorance, je ne connaissais pas beaucoup plus sur lui, m’étant jusque là arrêtée à une image trop lisse pour me plaire…
A ma gauche, Philippe Dupuis, dessinateur, BDéiste qui s’est fait connaître avec son duo graphique avec Charles Berberian et est devenu l’un des meilleurs représentant du concert dessiné, accompagnant notamment Dominique A ou Rodolphe Buger, excusez du peu.
Au centre, un texte intrigant, nageant dans une forme d’absurde onirique un rien morbide mêlé de comique de répétition, constituant une partition de choix pour un trio d’acteurs qui l’excécute à la perfection.
Ce triangle amoureux tombé dont ne sait où, constitué on ne sait trop comment,  va se déchirer et s’entretuer au cours de 16 saynètes toutes situées dans un même lieu, une chambre à moitié vide de ce qu’on devine être un crasseux motel périphérique.
Rapidement, c’est un climat de tension aussi sexuelle que névrotique (à moins que l’un n’aille pas sans l’autre) nageant dans une atmosphère fantasmagorique qui s’installe. On est proche des films noirs, on frôle tantôt Edward Albee, tantôt Peter Handke, tantôt Beckett. C’est souvent déboussolant , parfois drôle, parfois effrayant et tragique.
Moriarty fait des interludes de beaux moments de musique live où l’on (re)découvre l’ADN du groupe qui s’ancre bien dans cette dépiction d’une Amérique sans âge, tant bercée d’espoir que de lassitude. Leurs interventions, toutes tirées de leur album “the Missing Room” ne font pas que dévoiler leur côté onirique et sombre, elles s’intègrent avec malice dans la narration et les jeux de va et vient qu’elle nous fait vivre, et lui apportent de légères respirations bienvenues.
L’habillage pictural de Dupuy vient de manière très à propos asseoir le propos et s’amuse à le faire dévier vers des extrapolations encore plus fantasmatiques.
On apprécie de voir les 3 univers se mêler sur scène comme pour rappeler au spectateur son statut sans pour autant qu’aucune adresse ne lui soit faite.
Même si on peut avoir un peu de mal à rentrer dans la pièce, les appréhensions de départ sont vite balayées par ce qu’il faut d’humour noir, de folie et de musique adhoc.
Il est rare que le multimédia au théâtre soit aussi bien exploité, sans surenchère d’effets mais avec un contenu où tout semble absolument pertinent.
Une belle surprise, elle-même pleine de surprises, à découvrir ne serait-ce que pour le plaisir d’une narration aussi complexe que maline et modeste qui bouscule les niveaux de lecture.

Renseignements et réservations http://www.theatre-bastille.com/

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