Un anonyme, qui a l’air de bien aimer la musique, et un peu moins faire la queue pour manger, et un peu moins la marche, nous a envoyé son report personnel du festival. On en publie la version intégrale ci dessous, avec les photos de l’équipe d’Happiness qui était (bien sûr) présente au festival.
Dimanche 22 septembre, soit J+50 depuis la fin de Visions, ou plutôt J+49 si on considère que le dernier signe de vie émis par notre petite équipée est daté du lundi 5 août vers 10h15 sur la plage. Tout aurait pu foutre le camp au niveau des souvenirs avec le temps écoulé et l’altération, non désirée mais inéluctable, de la mémoire, mais figurez-vous que non, que dalle, tout est encore là.
De Foudre ! qui ont fait s’abattre avec maestria des coups de kick hors norme en forme d’éclairs foudroyants sur le théâtre de verdure, parvenant même à engloutir le jour et nous plonger tou.te.s sauvagement dans la torpeur nocturne, à Channel +, premier groupe à deux batteries pas chiant de l’histoire, qui nous a sauvé en nous remettant dans le bain dimanche après-midi après déjà deux nuits de casse dans l’escarcelle, de Plaque Tournante à Drew Mc Donald, de Pi Doom à JZBL, sur l’artistique, toutes les sensations sont belles et bien encore vivaces…. On vous en parlera un peu plus loin.
Dire que le Festival Visions était précédé d’une réputation extrêmement solide n’a rien d’une grande news et tout de l’euphémisme. Et qui dit grosse réputation = grosses attentes. Et une fois avalée la déterre du siècle pour accéder au fest depuis parking 3 jours, à savoir, 45 minutes à pied avec tout le nécessaire pour camper pour 3 jours – quand tu viens de conduire plus de 8h, ça commence à relouter sévère – il devient extrêmement difficile de trouver de quoi rager, et ne pas reconnaître que tout ce qui fait que Visions est rangé dans le casier « Festivals non surcotés qui défouraillent » est totalement vrai.
La grande scène, la plage, la conscience écolo pas poseur, voir ton ou ta pote dire « jvais chercher 5 pintes » et revenir 2 minutes et demi après tellement c’est bien foutu au bar, le « Justice pour Steve » et autre « Scène Notre Projet » qui font du bien par où ils passent et rappellent (même si y’a pas besoin) qu’ici on est pas à We Love Green ou à Ground Control, ou même pire, au Lolapalooza, le « ramène ton eco cup », la mixité dans la prog, et plein d’autres petits détails coolos.
Et la musique donc.
Nos mésaventures sur la route et le process d’arrivée compliqué mentionnés ci-dessus nous ont privé à regret des concerts de Tanz Mein Herz et Toad, pas grave, on les reverra. France jouent sous le dôme quand nous arrivons et ils ont l’air dans la même forme (olympique) que lors de leur dernier concert parisien taré à Saint-Merri ce printemps au retour de leurs tournée des SMACs avec Sunn O))). Mais les retrouvailles des convives, mêlées au manque de motiv pour se faire une place dans le dôme (le son devient vraiment prenant uniquement une fois qu’on rentre dans la structure) nous maintiennent à la lisière du son, peu attentifs.
L’attention, ce soir-là, sera plutôt consacrée à la découverte du site et du fonctionnement du festival, déjà évoqué ci-dessus.
Thou, et dans une moindre mesure Petbrick, nous laisserons passablement sans réaction, quand Api Uiz se dressèrent en grande surprise de la soirée. Une scène qui paraissait sur le papier immense pour 4 bricoleurs historiques de la scène noise expé française pas vus depuis un set cool aux Instants Chavirés il y a quelques années, mais qui finalement a été largement habitée par la présence géniale des musiciens, loin des clichés math ou autres postures intellos souvent irritantes voire complétement chiantes chez les groupes français des années 2000 ayant passé le cap des années 2010.
Un rock malin et coupé décalé, qui eut un tout vrai succès auprès du public pour un concert de clôture sur la grande scène à 3h15 du matin.
Car c’est cette idée qui domine au bout de la première soirée : des choix de progs tranchés et vraiment forts, comme mettre un groupe de sludge sans page facebook (Thou) et un groupe de rock historique mais à la réputation confidentielle de l’underground français sur la plus grande scène, pendant qu’une des plus grosses hype électroniques du moment (Tsuzing) joue sur une scène moins grosse, et sans que cela passe pour un jugement de valeur. Incontestablement une des grandes forces du fest.
La découverte de la plage by night, et une folle envie d’inviter les ami.e.s boire du gin au bord de la mer en plein samedi aprem ont considérablement anéanti nos chances de voir les prouesses des artistes du début d’après-midi, mais les éclaireurs nous ont rapporté que Pasteur Charles était plutôt bien en forme pour un type sensé avoir clamsé, que Powerdove ont toujours autant la classe et qu’Officine ont distribué les corrections.
Nous voyons les dernières minutes de Maria Violenza, l’observant de l’extérieur, en craquant un gros djingos, jouer pour un parterre de punks prisonnier.e.s consentant.e.s d’un nuage de poussière conséquent, très chouette moment et remise en selle.
Allons à l’essentiel au sujet de ce jour 2 : il renferme en son sein le meilleur concert du weekend – selon nous, mais visiblement, pour nombre de festivaliers également.
Nous n’attendions rien de particulier de Foudre, association d’activistes insatiables de l’électronique expérimentales et/ou improvisée. Ce sont des têtes connues : Mondkopf, nos deux amis de Saaad de Toulouse, un Oiseaux-Tempetes/Réveil des Tropiques et un EVTEVL au son. Nous n’étions pas prêts, mais eux l’étaient. Mêlant machines et instruments, privilégiant l’expérience sonique violente et physique aux mélodies et autres structures convenues, ce fut une véritable expérience immersive pour l’assemblée, happé par les pérégrinations du groupe au fil de leurs improvisations (Vraie info : « ouais on improvise énormément. Y’a des soirs ou ça marche moyen, ce soir c’était génial » dixit un des membres, croisé pendant le weekend).
Ce concert fit tomber les ténèbres de la nuit sur l’océan mais mis en lumière une chose : cette Scène Notre Projet a un système son de malade. Et ce n’est pas le magnifique concert de Drew Mc Dowall qui déconstruira cette vérité, dans la continuité du set de Foudre niveau immersion, mais sans les remous. Ce genre de concert de drone/ambiant/whatever qui vous masse l’oreille interne. Et la cornée aussi, avec une magnifique créa visuelle ornant le fond de scène pendant tout le set. Ce genre de concert ou t’as l’impression de déranger ton.ta pote dans une méditation profonde assis en tailleur comme s’il était sur le plus haut sommet du Népal si t’ose lui taxer du feu ou une clope, ou pire, lui demander si il.elle kiffe.
L’heure avançant, les pérégrinations et le manque de lucidité nous font louper le show Scream Entertainment dont on nous avait dit le plus grand bien, et la majeure partie de celui de Pi Doom, même si nous attrapons au vol les 15 dernières minutes de son set, d’une violence rare et bénéfique pour le.la specteur.rice. Malgré nos suppliques de gros.se.s bourré.e.s limites (totalement) embarrassantes, elle refusera de revenir, arguant qu’elle veut aller voir le set de Jardin – arf, personne n’est parfait…. La lucidité a complètement disparue et le festival est sur une autre planète, c’est l’heure d’aller se cogner un bon set de techno bien froide et parfaitement taillée, avec Assassani dans le rôle du coach que tu croises quand tu vas à « La salle ». Le meilleur live que nous verrons sur la scène Servier.
Rideau pour la musique. Plage, potes, lol, et retour à la tente, essayer de rester en vie pour le dimanche.
Des trucs cools, il y en a encore une bonne récolte pour le dernier jour.
Pourtant au réveil on a peur, on entend çà et là des « plus jamais ». « Pourquoi ? ». Certain.e.s osent même un « j’arrête l’alcool ». On reconnait difficilement les amis proches, les gens ont le même visage qu’Axl Rose tout gonflé et tout, et pas mal de nos potes facturent physiquement un âge bien plus avancé que celui qui est pourtant le leur. Tout ça commence à prendre une gueule de marathon. Il faut pourtant continuer.
On retrouve un Pasteur Charles (significativement abîmé) aux platines, bien aidé par un Roger de Lille (impeccablement dévêtu) au défibrillateur pour lancer le dimanche. Ou était-ce l’inverse ? Bref, c’est trop court mais ils sont bons. Tout comme la transition à venir, avec enfin LE concert de rock du weekend. Inconnus au bataillon, Channel + vont tout simplement tout niquer et nous recharger les batteries pour le dernier tour de piste. Rennais, stylés, deux drums, deux guitares des claviers des effets, la bonne idée d’utiliser les deux batteries pour jouer des choses différentes, des magmas sonores par ci, des brouillards de delay par là et surtout des grooves trop coolos de A à Z. On reste en vie grâce à eux. Encore merci.
Le hasard total mettra Plaque Tournante sur notre chemin, docteurs es drone et bruit avec le petit cadeau qui fait plaiz : des 45 tours de dub utilisés en guises de transitions. On se la coule douce, allongé.e.s sur des tapis à 2 centimètres d’eux, sous le dôme, on est bien.
Tellement bien qu’on s’en va claquer une sieste qui nous fera ressusciter uniquement pour pique-niquer (toujours trop de queue pour manger et pas assez de force pour attendre, l’histoire de notre weekend) et voir Adrian Sherwood attendre Lee Scratch Perry et sa valise…. S’il trouve grâce à nos yeux pour les premières minutes, une fois l’amusement passé, nous voguons vers de nouveaux horizons. L’attente sera longue ce soir-là même si France Chébran nous emmène dans une direction complétement imprévue, inconnue et rafraichissante. Difficile de ne pas voir dans la démarche des cousin.e.s français.es du Nu Guinea/Nuovo Napoli tant sur la forme (les compiles rétrospectives) que sur le live (le groupe Nu Guinea en lui-même). Le terrain est désormais prêt pour la dernière bombe du weekend : J-ZBEL, pas vu depuis un soir glacial d’hiver à Magnétique Nord 2017, ou ils avaient mis une branlée monumentale à Reka et Ancient methods et tous les technoides darkos habillé.e.s en Matrix en arrivant masqués et habités d’une énergie globalement bas-les-couillesque.
Un finish de festival dans un mood vraiment cool, dans un registre musical difficile à qualifier tellement les 3 larrons brassent large, à l’instar de leur double LP sorti cette année sur BFDM (avec les meilleurs noms de morceaux « le Riddim du Bardouin », « Mortel Combat », « Bertrand au Mont d’Or » ou autre « Pardon Mouloud »)
Un dernier after interminable sur la plage sous la pluie autour du feu dans une ambiance mi-primitive mi-fin du monde, et c’en est fini de Visions #777. Ça pétait sa mère, le rendez-vous est pris pour 2020, avec peut-être, une prog sans artistes qui prennent l’avion, comme un nouveau défi de taille pour cette équipe.
Galerie du festival, que des gens très beaux, donc.