On est à nouveau présents à la Flèche d’Or pour la soirée mensuelle Les Yeux Fermés, pour la quatrième édition, toujours avec une programmation audacieuse et alléchante. Ce soir, on a le droit à un savoureux mélange de Math Rock, de noise un peu mélodique et d’Ovni musical. La dernière catégorie étant bien entendu celle qui nous a fait venir rue de Bagnolet.
J’arrive dans la salle un peu en retard mais à temps pour le début du concert de Papaye. Le trio math rock est en train de faire sa balance, parce que quand on fait de la musique compliquée, faut faire gaffe hein. Les trois musiciens sont alignés, le batteur au milieu et les deux guitaristes sur les côtés, tous sur le devant de la scène.
Papaye est donc égalitaire (égalitariste ?), tout le monde devant, un projet communautaire donc. Dans le Math Rock tout le monde est égal, quand on voit ce genre musical pour la première fois, on a l’impression que tout le monde joue seul, chacun est lancé dans un solo frénétique et permanent, chaque individu a son morceau personnel, défini par des structures totalement aléatoires. Ces structures aléatoires qui se fondent en une construction fragile entrecoupée de silences assourdissants et de fulgurances soudaines, de notes jouées à toute vitesse et de guitares malmenées.
Papaye n’échappe donc pas à ces règles (!), on ne voit pas vraiment la différence entre les morceaux, mais l’application et l’exécution parfaite laisse parfois songeur (ou rêveur, si on se voit en musicien devant sa glace le matin). Je n’ai jamais été fan de ce genre de musique, les Battles et autres Deerhoof m’ont toujours plutôt laissé froid passée l’admiration pour la vitesse et la précision des enchaînements. Cette fois encore, je m’amuse un peu de la complexité des morceaux, je rigole un peu en écoutant le gars un peu bourré qui éructe des conneries au premier rang, et qui donne des conseils aux musiciens, puis, la lassitude venant, je m’éloigne un peu du devant de la salle.
Troisième groupe de la soirée, les nantais de Fordamage s’installent. La composition du groupe est plus classique. Leur musique est une sorte de fusion metal, pop, noise, math rock ; et les morceaux se suivent à la vitesse d’un cheval au galop. Le groupe ne fait pas vraiment dans la finesse mais ils font le boulot sérieusement, et ils ont visiblement une bonne fanbase.
Le concert est une sorte de melting pot jouissif de tout ce que la musique bruyante a fait de bon (même les poses héroïques, donc, cf la photo au dessus), ils sont énergiques et parfaitement en place, du coup la performance scénique est au top. Même si la frontière entre les chansons est toujours insaisissable, chaque nouveau morceau est la garantie d’une débauche d’énergie au top. Je ne connaissais pas trop le groupe mais je note quelque part que j’aimerais bien les revoir une autre fois, histoire de mieux apprécier leur rage communicative.
La scène se vide, une batterie toute seule, entourée d’un amplificateur de guitare et d’une pédale d’effets. Et puis un gars avec un masque en papier, décoré de gommettes brillantes. Il active sa pédale et commence à jouer quelques notes sur sa guitare, petit à petit, un fond sonore se met en place. On reconnaît les premières notes du morceau fascinant Fast Enough, vu et revu sur youtube.
Gull commence son show. Il s’installe à la batterie, sa guitare sur les genoux. Pendant ce temps, les boucles continuent, et là, il se met à frapper sur ses fûts comme un sourd, histoire de mettre tout le monde dans l’ambiance. Il frappe mais il continue à jouer des notes sur sa guitare. Le public est rassemblé devant la scène, totalement fasciné, hypnotisé par le spectacle offert par l’artiste.
Tous les morceaux sont un peu similaires, écueil des performances de one man band, mais Gull ajoute une dimension mystique à son concert, là où les autres musiciens dans son créneau jouent sur la technique, avec une utilisation experte des samplers et autres laptops ; lui ne se base que sur un matériel restreint et sur une prestation scénique totalement théâtrale. A la base, c’est destiné à être joué dans la rue, avec un minimum de matériel. On le sent au fil du concert, le parti pris est certes minimaliste techniquement mais il privilégie l’efficacité et la transe. Le chant est scandé dans un micro intégré au masque de papier, la voix transformée par un effet téléphone old school.
Le concert dure environ 50 minutes, l’effort physique de l’artiste est impressionnant, entre chaque morceau il est essoufflé et met un peu plus de temps à chaque fois pour enchaîner. Il joue un dernier morceau à la demande générale et quitte la scène, au (grand) regret de l’audience. Pour un premier concert en France (je crois), c’est une réussite, Gull a conquis le public de la Flèche d’Or et gagné de nouveaux adorateurs qui ne manqueront pas de dire à quel point son projet est unique et fascinant à une (future) horde de fans déchaînés.