Oren Ambarchi est un musicien Australien, il a notamment joué avec les poètes Sunn O))), avec le subtil japonais Keiji Haino, et avec Jim O’Rourke, maître de l’ode à la chasse aux faisans dorés. Le son d’Oren Ambarchi, invité presque permanent au festival de musique extrême et innovante SuperSonic à Birmingham, le son d’Oren Ambarchi est donc plutôt singulier, et expérimental. Je débute donc l’écoute de son album, Audience of One qui sort sur son label, Touch, avec un petit peu d’appréhension. Après la purge sonique que peut représenter un album studio de Sunn O))) ou de Keiji Haino, on peut légitimement avoir un peu peur de s’atteler à l’écoute du (presque) monument, d’autant qu’on voit un morceau de 33 minutes sur la tracklist (qui ne compte d’ailleurs que 4 morceaux, prends ça M83).
Mais il n’en est rien, dès le premier morceau, on est beaucoup plus proche des productions de l’autrichien Christian Fennesz (avec lequel il a déjà collaboré par le passé). La première chanson, Salt, avec la voix d’un gars, Paul Duncan, pour la porter, est une petite merveille d’electronica/IDM tristouille. Des jolies nappes discrètes et un drone tout doux, viennent gentiment ponctuer la très belle voix pleine d’émotion du monsieur. C’est très calme, on est assez loin du déluge de bruit blanc attendu, la seule variation sonore étant quelques cordes un peu assourdies au milieu du morceau.
Puis c’est l’Everest, Knot, morceau géant de l’album, qui s’étend sur près d’une demi heure. Qui commence par un rythme marqué par une ride assourdie, des arpèges de guitare, et des bruits qui viennent ponctuer les feulements de la guitare et des cordes. Il y a une montée progressive avec des ajouts d’éléments qui renforcent l’impression de transe. La batterie varie ses sons, tandis que le son de la guitare se durcit, et renforce sa présence, et le drone électronique devient peu à peu de longues mélopées soniques qui semblent accompagner le batteur dans son ascension. Ce qui est fascinant avec ce morceau, c’est que chaque élément musical, chaque instrument semble participer à l’édification du monument, chaque musicien est une petite brique qui rend l’ensemble totalement cohérent. C’est très dense mais pourtant les éléments restent distincts, le solo de bruit au coeur du morceau coupe le souffle, mais est bientôt supplanté par des cordes. Suivies par un decrescendo, avec la batterie qui se ralentit et perd de l’importance, pour ne laisser place qu’à un presque silence, traversé d’éclairs de bruit et de violons doucement rageurs.
Après ce morceau à couper le souffle, c’est au tour du très ambient Passage, et son piano rare, ses sons perdus au milieu du silence et la voix fantomatique d’une chanteuse. Et un final, Fractured mirror, qui est une reprise d’Ace Frehley (oui, oui, le gars de Kiss), avec une guitare tranchante et répétitive ponctuée par une rythmique électronique toute simple, puis par des échos de guitare saturée de reverb et de distortion. Par rapport à la démonstration de force technique lourdingue du morceau original Ambarchi a clairement choisi l’épure, un peu à la manière des reprises des Rolling Stones par Fennesz, dénudés jusqu’à l’os et où il ne resterait plus que la moelle (substantifique). Ce qui dans le cas d’Ace Frehley est plutôt bénéfique.
Ce dénuement qui caractérise Audience of One ouvre de nouvelles voies artistiques pour le bruitiste Ambarchi, pas moins expérimentales, ni moins exigeantes; mais novatrices et qui donnent à découvrir de nouvelles facettes du musicien.