Cabaret du quotidien à La Loge /Report/

Savez-vous ce qu’est un hikkomori 引き篭り? Non? Pourtant, ils sont près d’ 1 million au Japon, soit près de 1% de la population ! Ce sont ces jeunes qui vivent en retrait de toute vie sociale, « coupés du monde et des autres, cloîtrés chez leurs parents, le plus souvent dans leur chambre pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, en refusant toute communication, même avec leur famille, et ne sortant que pour satisfaire aux impératifs des besoins corporels, d’après les spécialistes » (selon Wikipedia). Un phénomène qui existe bien au delà des frontières nippones et tend à toucher de plus en plus d’européens, de l’ado au trentenaire…

C’est sur ce thème (qui en appelle d’autres: sentiment d’inaccomplissement, solitude, incapacité à regarder en face la situation ou sensation d’être inadapté) que se tisse la pièce « Cabaret du quotidien ».

cabaret

Comment mettre en scène cette solitude que par définition personne ne voit autrement qu’en portant au regard du public quelques instants du quotidien d’un jeune adulte asocial qui passe plus de temps à fantasmer sa vie qu’à la vivre ?

Voici donc le spectateur comme « invité » dans la chambre de Ludovic Lamaud, comédien -comment dire…?  dans le doute.

À travers un dispositif qui s’inspire du cabaret, genre performatif qui intègre l’interaction avec le public comme partie prenante, il va suivre au fil d’une succession de numéros, son réapprentissage de l’échange humain. Ou,  pour dire les choses autrement, et puisque la pièce fait intervenir des passages chantés,  son lent passage du « Allô, maman » au « Tout doucement« .

Le genre cabaret et sa succession de « numéros », entre trivialités du quotidien et profondes réflexions philosophiques, entre monologues pour soi et interpellations du public, instaure une sensation d’instabilité chez le spectateur et le bouscule. Il y a, en effet, souvent quelque chose de spontané,  brut, sinon brutal voire violent, dans ce Cabaret.

Mais cela a quelque chose de captivant car, profondément , et pas seulement lorsque l’on est pris à partie, on est questionné dans nos propres peurs sociales, nos propres craintes vis à vis d’une société qui en demande toujours plus et face à laquelle on a parfois du mal à se trouver en phase.

La force de la pièce repose pour beaucoup sur le talent de Ludovic Lamaud qui livre un travail aussi intelligent et intéressant que réussi sur le passage d’un registre à un autre sans pour autant en faire un simple exercice de jeu. En effet, en donnant beaucoup de lui même et grâce à une composition subtile et des textes pertinents, il sait faire naître l’émotion et l’empathie, mais aussi le rire.

Si on est dérouté, parfois même mis à mal, on n’en est pour autant pas moins séduit et conquis par cette proposition originale qui s’amuse des genres et des attentes du public.

 

La Cabaret du quotidien

 Compagnie Les Treizièmes

Texte de Ludovic Lamaud
Mise en scène de Thibault Amorfini
Avec Ludovic Lamaud, Fabien Floris, Erwan Daouphars et le Collectif Hubris

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