Algiers, Algiers (Matador Records, 2015)

Algiers-Algiers

Comme leur nom ne l’indique pas du tout, Algiers vient d’Atlanta en Géorgie, donc d’un coin qui ne nous avait pas vraiment habitué aux groupes de rock, mais plutôt à une scène hiphop dynamique (et inégale, mais c’est une autre question).

Le groupe compte trois membres, le chanteur à la voix profonde et caractéristique Franklin James Fisher, le bassiste Ryan Mahan et le guitariste Lee Tesche. Fisher vient d’un background influencé par la soul et le gospel, tandis que ses deux acolytes viennent plus du rock et du punk. Leur association est un dialogue permanent, unique entre d’une part ces multiples influences, et d’autre part les sujets de société propres aux Etats-Unis, le poids de la religion, des questions de race et de morale. Les chansons de l’album, sont une lutte, un combat permanent contre l’autorité et les carcans, la musique comme révolution et exutoire. La musique d’Algiers ne promet pas d’épiphanies, elle est lourde de sens, elle se fait plutôt le porte parole du poids des oppressions, la lame froide de l’attente désespérée d’un lendemain qui chante.

Leur musique est un mélange de l’activisme enflammé de Gil Scott-Heron, de la froidure des synthés des débuts du post punk et de la radicalité de Public Enemy. Dès le début, on est dans l’ambiance. Remains, et se percussions sèches, ses chœurs et la voix de prêcheur de Fisher qui dénonce la société télévisuelle abrutissante. Le reste est à l’avenant, des guitares tranchantes, des percussions minimales qui soutiennent parfaitement le propos et le timbre du chanteur. Blood, une de mes préférées du disque, avec ses longues plaintes à la guitare et sa rythmique dépouillée, qui couvrent un peu la voix de soulman possédé du chanteur, un déluge sonique qui finit par s’estomper et laisser la place à une mélodie tout juste murmurée. Plus soul, plus rythmée, commençant par des boucles qui se répètent et une rythmique frénétique, Black Eunuch (), est le morceau le plus enlevé de l’album, il ne dévoile pas sa force à la première écoute (comme le disque, quelle surprise ! ) mais petit à petit, on sent les nuances mélodiques dans les plaintes sonores des guitares, dans le traitement des bruits d’ambiance et dans les paroles scandées.

Algiers sont en plein dans l’actualité brûlante et récurrente des relations raciales aux Etats-Unis (pensez aux événements récents de Baltimore, ou à la série The Wire). Ils ne sont pas les chantres d’un désir de changement, mais plutôt un regard attentif et fiévreux sur la réalité, une illustration vivante et émouvante d’une réalité âpre et sombre, mais non dénuée de quelques lueurs d’espoir.

Algiers, Algiers (Matador Records, 2015)

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